Sauvegarde Copernic
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Lettre ouverte

LETTRE OUVERTE
rendant compte du livre écrit par Jean-François Bensahel
président de l'ULIF-Copernic

                                                                                     INTRODUCTION

Indépendamment des motivations architecturales et patrimoniales de l'APPC, je considère qu'il est impensable  de demander aux membres de l'ULIF de participer financièrement au projet de “reconstruction” (celle-ci supposant la démolition préalable) de la synagogue de la rue Copernic, étant donnée l'orientation religieuse et sociétale exposée par son Président dans son ouvrage Affronter le monde nouveau, Épître à Paul et nos contemporains.  Ma position a fait l'objet d'une lettre ouverte aux membres de l'ULIF et du Judaïsme en Mouvement, et  j'ai accepté qu'elle soit publiée ici, sur le site de l'APPC.
                                                                                                                               Serge SELETZKY

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                                                LETTRE OUVERTE

 
             Chers membres de l’ULIF et du Judaïsme en Mouvement,

Par essence, le judaïsme reconnait le bien fondé des autres religions et je ne peux donc qu’adhérer à la recherche d’une coexistence harmonieuse avec le christianisme. Bien évidemment j’ai le plus profond respect pour les chrétiens appliquant les principes humanistes de leur religion mais j’ose dire ici, même si cela n’est pas politiquement correct, que je suis allergique au mythe fondateur du christianisme (Jésus fils de Dieu et sauveur de l’humanité) et à l’allégation selon laquelle cette religion est l’initiatrice du message d’amour entre les hommes. Je tiens à conserver mon identité juive comme mes amis chrétiens tiennent à juste titre à conserver la leur.
Vous comprendrez donc pourquoi j’ai été choqué en prenant connaissance de mails de l’ULIF faisant la promotion du livre de son Président : Affronter le monde nouveau, Epître à Paul et nos contemporains, dont les positions religieuses, philosophiques et sociétales, même s’il affirme ne s’exprimer qu’en son nom, engagent pleinement sa communauté.  Pour vérifier si ma réaction première était fondée, j’ai intégralement lu son ouvrage. Le premier chapitre m’a satisfait, puisque Jean-François Bensahel rappelle qu’en tant que Juif et étant donné ce qu’on lui avait raconté sur Paul, il avait a priori toutes les raisons de le haïr. Mais la suite m’a déçu, car en lisant les écrits de Paul, Jean-François Bensahel réalise qu’il était dans l’erreur et qu’il fallait, au contraire, s’inspirer de sa pensée et de son action, jusqu’à dire « un juif du XXIe siècle devait se tourner vers Paul »

Certes, on ne peut qu’adhérer à l’idée d’une coexistence harmonieuse et d’une finalité humaniste commune des différentes religions, et notamment du judaïsme et du christianisme. Mais faut-il en tant que Juif prendre l’exemple de Paul qui a œuvré pour le développement d’une religion universelle séparée du judaïsme, qui a propagé les idées fortes que sont la divinité du Christ, le salut de l’humanité par son sacrifice, le rituel eucharistique, tout ceci en incitant à abandonner les commandements de la Thora, dont la circoncision ?

L’objectif proposé par Jean-François Bensahel est-il un nouveau syncrétisme entre le judaïsme et le christianisme ? Cette position n’est certes pas exprimée clairement dans son livre, mais elle est fortement suggérée, puisqu’il s’agit de suivre l’exemple de Paul.

Jean-François Bensahel a-t-il lu ce qu’écrit Michel Onfray sur Paul de Tarse dans son ouvrage Décadences ? : Paul abolit la circoncision du corps pour lui préférer la circoncision de l’âme qui va produire le judéo-christianisme.  Paul marque ainsi le passage du judaïsme local et national à l'internationalisme chrétien. Il définit un christianisme qui abolit la différence entre les grecs et les juifs les barbares, es esclaves, les circoncis les incirconcis il n'y a plus que des hommes et des femmes unis dans une même foi en Dieu via Jésus.  

Paul voudra moins imiter Jésus le philosophe, le sage, la figure de douceur, de paix, d'amour, de tolérance de l’homme qui pardonne à la femme adultère que le Christ sur la croix, autrement dit un corps hissé et cloué à la tête couronnée d'épines, un corps au flanc percé par une lance. La vie masochiste est exigée et le propos de Paul enseignera à des millions d'hommes et de femmes la jouissance dans la souffrance ».

Alors que Jésus n'a jamais manifesté aucun mépris pour la chair des autres, le corps des autres, la sexualité des autres, Paul dont le corps était malade a connu une vie sans femme et sans épouse avec la haine de la chair, le mépris des femmes et de la sexualité, l'invitation à la chasteté ou à la continence, la proposition du modèle d'une Vierge qui enfante.

En résumé, qu’un chrétien fasse l’éloge de Paul, on peut le comprendre, car celui-ci a en effet transformé le judaïsme en une religion universelle. Mais comment accepter qu’un responsable d’une communauté juive fasse l’apologie de celui qui a remis en cause les fondements de sa religion et de notre religion pour en créer une nouvelle ? S’agit-il maintenant de suivre l’exemple de Paul en nous libérant de nos règles et de nos valeurs ? Est-ce cela que pense Jean-François Bensahel en proposant de repenser l’idée de Dieu ?

Bien entendu, il vous appartient, que vous soyez simple fidèle ou administrateur, de partager ou non ma position. Quant à moi, la promotion par l’ULIF d’« Affronter le monde nouveau, Epître à Paul et nos contemporains » me conduit à me mettre en retrait de cette communauté car je considère qu’avec l’ouvrage de son Président elle dévie de sa vocation :  l’affirmation de la singularité du judaïsme en général et en particulier d’un judaïsme s’inscrivant dans la société contemporaine et coexistant sans aucune forme de symbiose avec le christianisme.
 
                                                                          Bien cordialement,
                                                                                                                                                    Serge Seletzky, le 6 décembre 2019



Affronter le monde nouveau, Épître à Paul et nos contemporains, de Jean-François Bensahel (extraits)
 
Pour étayer ma position, vous trouverez ici des extraits en italique du livre’« Affronter le monde nouveau, Epître à Paul et ses contemporains ». Le regroupement par thème et les sous-titres sont de moi.

 Cela commence bien…
Très honnêtement, cela fait mal à nos oreilles : tu n’es pas tendre, avec la Torah, avec ce que tu appelles la Loi. Paul, tu m’apparaissais comme le précurseur de ces Juifs convertis au christianisme qui, au Moyen Âge, haranguaient les docteurs du judaïsme dans des disputes inégales, exercées sous la férule des autorités ecclésiastiques, querelles qui n’avaient pour but que de tourner en dérision la vieille religion. Ne figurais-tu pas l’ancêtre de ces médiévaux pleins de hargne et de haine issus du judaïsme et convertis au christianisme ? Ne disais-tu pas là que les Juifs étaient les ennemis du genre humain ? N’étais-tu pas dès lors comptable de toutes ces morts commises plus tard au nom du Christ, Messie et donc porteur de la paix, dont tu te faisais pourtant le héraut ? N’étais-tu pas le responsable indirect de ces exécutions et de ces assassinats ultérieurs et massifs ? Avais-je vraiment tort de te haïr ? Étais-je dans l’erreur de t’attribuer ces macabres intentions ? Tu avais dressé les Juifs contre les chrétiens, puis, par, division cellulaire, les chrétiens entre eux. Tu avais voulu rassembler les hommes, quels qu’ils soient ? Mais tu semais la discorde, la haine et la guerre. C’était cela ta contribution à l’humanité ? Belle affaire ! Ton dossier était épais et lourd.

Mais c’était une erreur…
à  condition d’entrer dans un tête-à-tête avec lui, de bien le lire, sérieusement, de tenir pour néant la lecture abusive des siècles qui ont cherché à le trahir et à l’instrumenter, pour les besoins du pouvoir et de la petite politique, à faire de lui un diviseur diabolique.
Pourtant, certains de tes lointains disciples voulaient me convaincre que j’étais dans l’erreur et que j’étais le siège d’une injuste sévérité à ton égard. L’on me mettait sous les yeux ce que tes lettres contiennent de sublime, ces hymnes à l’amour du genre humain, et d’abord celui de la première lettre aux Corinthiens, quand tu as voulu mettre et remettre ces païens de la ville de Corinthe dans le droit chemin, celui que tu leur avais enseigné et dont ils paraissaient s’écarter sous la persuasion de faux frères, de faux évangélistes, attaquais-tu, et qui voulaient les conduire à embrasser le judaïsme par conversion, et d’abord par la circoncision, alors que tu exigeais d’eux seulement d’avoir une foi totale et sincère en Jésus-Christ, d’avoir une morale parfaite et d’aimer leur prochain comme eux-mêmes. Et rien d’autre. Rien d’autre.

Il faut suivre l’exemple de Paul, un combattant de génie
Un homme a une partie de la solution. C’est Paul, un homme d’il y a deux mille ans. Et qui que tu sois, lecteur, athée, agnostique, croyant, tu devras bien un jour revenir à Paul, si tu veux comprendre et conjurer la guerre qui vient.

Voilà pourquoi je suis entré en dialogue avec lui, et j’ai décidé, comme il le faisait si abondamment, de lui écrire à mon tour. Pour comprendre en quoi nous pouvions être ses héritiers, sans nécessairement faire nôtres ses choix. Pour nous sauver.
Le dialogue avec Paul, difficile, parfois terrible, plein de secousses, de fureurs et de larmes, est d’une urgente, vitale et impérieuse actualité. Le détour par Paul, comme antidote à l’apocalypse. Pour repenser le monde et rendre possible la fraternité.

Nous n’avons pas d’autre choix que de revivre tes angoisses et de comprendre tes emportements. Mais qu’y a-t-il à retenir de si précieux à ton commerce ? Comment expliquer ta postérité ? Pourquoi tes paroles nous renversent-elles encore ? Pourquoi, sitôt l’œil posé sur une de tes lignes, sommes-nous absorbés tout entiers ? Car tu es une personnalité comme il y en eut peu d’exemplaires dans l’histoire humaine.
La réalité, c’est que tu es avant tout un combattant de génie, acharné, indomptable, suprêmement orgueilleux, qui ne prend pas ses ordres des hommes, mais seulement du Christ, ainsi que tu le proclames, celui que tu as rencontré sur la route de Damas,

Brillant, lumineux, profond, coruscant, latérique, adamantin, perforant, volcanique, geysérien, mystique, visionnaire, poète, rêveur, mais aussi bâtisseur, entrepreneur, homme d’action, meneur d’hommes, charismatique, accoucheur, lapidaire, mais à coups de formules jetées en plein visage comme des pierres, manager de génie de tous ceux qui te suivent et que tu élèves à ta suite, auxquels tu communiques la grâce et l’énergie, impatient, irascible, colérique, glacial, violent, torrentiel, enflammé, chaleureux, attachant, généreux, pacifiste, aimant, simple comme l’enfant, complexe comme l’adulte, doué pour l’écoute du Ciel et pour le meilleur dans l’homme.

Pour convaincre et édifier, tu avais des talents peu communs : un entêtement monomaniaque, mégalomaniaque, une volonté farouche, enchâssée à des certitudes irréfragables, qui te permettaient de démultiplier ta pensée et tes actions, de faire des disciples, même si tu étais peu commode à supporter, une capacité unique à vivre l’instant, l’événement.

Là encore tu es l’homme des intuitions fulgurantes, des grandes angoisses existentielles, et tu cherches à leur apporter des réponses.

Tu as réussi, Paul, a fondé une communauté messianique hors d’Israël
Sans qu’elles soient explicitement nommées ainsi, le programme que tu assignes à ces païens est simple : respecter les sept lois de Noé que tout homme, selon le judaïsme, doit suivre et accomplir pour avoir part au futur Royaume de Dieu. Mais tu insistes obsessionnellement sur la nécessité de la loi morale, et tu sais, fidèle à la tradition de tes pères, que les mitsvot, les commandements, ne valent pas certificat de moralité, qu’il y a des justes partout, que le ritualisme peut dessécher si l’on n’y prend garde. Que tu as raison !

Comment ne pas t’admirer dans cet effort pour faire connaître l’Éternel, et amener les nations à s’aboucher et à vivre l’histoire universelle pensée par Israël, à se conformer à ce que la Bible prescrit pour la fin des temps ? Comment ne pas t’admirer quand tu fais en sorte qu’elles viennent à la rencontre de Dieu, quand tu les immerges dans les visions du judaïsme sur la fin des temps ?

Tu as réussi à faire en sorte que les païens, surtout des craignant-Dieu, forment une communauté messianique par leur foi en Christ, car seuls ces craignant-Dieu pouvaient entendre dès l’abord quelque chose au Royaume de Dieu. Tu les as greffés, mais sans les convertir, sur la grande histoire d’Israël, sur l’histoire de la Révélation, de sorte qu’en eux habite désormais la présence divine, l’Esprit Saint, qu’ils sont eux aussi consacrés. À eux désormais tu appliques les mots que le Grand-Prêtre prononçait à destination de l’assemblée lors du jour de Kippour, jour des Expiations : « Vous êtes purs. »

À partir du moment où tu es convaincu que le Messie d’Israël est là, qu’il est donc aussi le Messie de l’humanité, que le Salut d’Israël ne peut être pensé et vécu indépendamment du Salut des nations, alors au nom de la vérité des textes, de la vérité des pratiques juives, de la vérité du judaïsme, tu es d’avis que quand l’on n’est pas juif, on peut manger ce que l’on veut. Et tu as raison !

Paul, bien plus qu’Alexandre le Grand, fut l’acteur de la plus grande des inventions politiques possibles. Il pensait une politique aux dimensions de l’univers, puisqu’il voulait faire vivre ensemble ces hommes et ces femmes, rencontrés et admonestés sur les routes de l’Empire romain, et les convaincre qu’ils étaient liés, ensemble qu’ils étaient pris dans le même faisceau des vivants, qu’ils devaient abandonner leurs petites idoles pour faire monde, qu’ils devaient partager une spiritualité commune, qui seule leur permettrait de surmonter leurs différences, sans les nier, sans les craindre, mais en les rendant congruentes, compossibles, projectivement orientées vers un même but, et qu’ils devaient se mettre au diapason de la paix qui viendrait. Qu’ils devaient comprendre et accepter qu’ils avaient un même Père qui est au Ciel. Qu’ils pouvaient donc partager et vivre en frères. Voilà ce qu’il pensait, et qu’il voulait réaliser.

Une seule croyance faisait l’unité du genre humain. Et tous devenaient semblables. Assimilables. Geste politique révolutionnaire.

Si impatient, si explosif, si insatisfait de l’existence, tu vas réaliser que ces païens qui fréquentent les synagogues veulent se convertir et abjurent leur passé, tu ne dois pas les pourchasser pour les exterminer. Il t’appartient, au contraire, de les intégrer au sein de cette histoire universelle, de les abouter au Dieu d’Israël, et tu es convaincu que cela ne peut se faire que par la croyance en Jésus ressuscité, que par l’expérience de la rencontre de Jésus-Christ, Sauveur du monde, qui, par sa mort, a racheté les péchés de l’humanité et lui a ouvert la porte du salut. Pour les emmener, comme par la main, au Dieu d’Israël, tu leur révèles ce qui est, à tes yeux, la vraie foi : la foi dans le nouveau Messie, la foi en Jésus-Christ, la foi en Christ, envoyé du Père, connu par ses quatre lettres YHVH, et qui les délivrera du mal, les sauvera, s’ils le suivent.

Qu’est-ce qui peut nous réunir si nous sommes tous différents ? Telle est la question que tu posais, à petite échelle, aux Juifs de ton temps comme aux non-Juifs, habitants de l’Empire romain qui fréquentaient les synagogues. Tu répondais, tu clamais, tu vitupérais que Jésus-Christ pouvait rassembler les hommes et les femmes, et leur faire découvrir que le monde avait un sens, que l’histoire était orientée.
Ton mérite c’est d’avoir non pas à traits de plume, mais à coups de marteau, d’avoir su te rendre présent par tes épîtres à ceux que tu avais constitués en communautés, auxquelles tu avais laissé entrevoir la possibilité d’une vie meilleure, d’une vie bonne, libérée, égale, fraternelle, auxquelles tu avais enseigné la ferveur, que tu avais possédées par l’enthousiasme, par la certitude d’être habité par Dieu. Et, par miracle, tu as su te rendre présent à nous également, à tous ceux, chrétiens ou non, qui dans la chaîne des générations ont été intrigués, captivés, rehaussés par tes textes.

Ces païens judaïsants, qui pénètrent trop souvent dans les synagogues, attirés par la conversion, que tu voulais combattre, par un rebroussement, par un ébranlement mystique, tu entendras leur plainte, leur soif spirituelle, leur désir sincère, ardent, innocent de rentrer dans l’histoire universelle découverte et pensée par Israël. Car toi, citoyen romain, tu as compris, mieux que quiconque, que ton temps était précisément celui de l’universel, d’une géographie universelle, avec cet Empire romain au faîte de sa gloire, prétendant couvrir de ses pennes tout l’univers habité.

Tu comprends alors la tâche qui te revient, et qui te conférera une responsabilité immense devant l’histoire des hommes : constituer de tous ces païens, fréquentant la synagogue et connaissant les Écritures, un seul individu, une seule famille, un seul peuple, mais un individu, une famille, un peuple spirituel, et non pas matériel, biologique, ou historique, car unifié seulement par la foi au Christ. Pour cela tu rappelles, avec raison et conformément au judaïsme, que la Loi ne leur est d’aucune utilité

C’est là que tu es essentiel, prodigieux, envoûtant, car le premier tu veux nouer ensemble les Juifs aux païens, au reste du monde, et le reste du monde aux Juifs. Tu veux imaginer, le premier, leur destin commun

Ton génie, ton tour de force révolutionnaire sont là tout entiers. Tu comprends ce que veut dire révéler aux nations qu’elles ont un seul et même Père qui est au ciel. Tu vas au bout de la logique de ce que Dieu n’aura cessé de répéter à Israël.

Or l’événement Jésus que tu interprètes comme le Messie annoncé de la fin des temps, comme le déclencheur du grand rassemblement d’Israël te convainc que c’est maintenant, oui maintenant, qu’il te faut reprendre sur tes épaules la mission jadis confiée à Israël : rassembler les hommes, leur dire qu’ils sont tous frères, parce qu’ils ont le même Dieu

Tu veux reprendre la grande œuvre d’Israël là où les Juifs l’avaient laissée en jachère. C’est à toi d’annoncer au monde que tous ont un seul et même Dieu.

Tu souhaiteras ta vie durant que tes frères juifs, dont tu es issu selon la race, selon la chair, et auxquels tout a été donné, tout, comme tu le dis, l’adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu, rejoignent tes communautés dans leur foi au Christ, car tu es convaincu désormais que ta mission consiste à former une unique famille, un seul individu, un seul peuple, mais spirituels, constitués selon la justice, et dont les fils et filles, juifs ou non, verront et vivront ensemble la réalisation de la promesse des temps messianiques, dans le meilleur des mondes, où l’amour et la charité l’auront emporté sur tout, où ils seront Loi.

Comme Juif, génial héritier de la civilisation d’Israël, tu as compris ce qu’Israël apportait à la culture, à la civilisation romaine et gréco-romaine

Fidèle à la civilisation d’Israël, tu te bats, et avec justesse, pour leur rappeler que la Loi ne leur sert à rien, car ils n’en ont pas besoin, elle n’est pas pour eux. Tu as raison. Absolument ! Le judaïsme n’a jamais demandé que les non-Juifs pratiquent la Loi
La Loi et ses prescriptions ne leur sont pas demandées. La conversion au judaïsme n’est pas exigée pour avoir part aux temps messianiques, pour être sauvé, pour avoir part au monde à venir. Inutile.

Tu leur porteras cette Bonne Nouvelle : ils peuvent désormais avoir accès au seul Dieu véritable, au seul Dieu digne de ce nom, celui qui s’est révélé à Israël, en ayant foi en son Fils, en sa résurrection,

Tu étais désireux, comme tout Juif digne de ce nom, d’éviter, parce que c’est inutile et n’a jamais été prévu, que ces païens, auxquels tu parles et que tu admonestes, se soumettent aux 613 mitsvot, que tu résumes en circoncision, chabbat, lois alimentaires. Tu choisis, pour leur faire comprendre qu’ils n’ont pas besoin de la Torah pour avoir part au monde à venir, tu choisis de te moquer d’elle, de la disqualifier, et de railler, ce faisant, tes concurrents qui s’emploient, au contraire, et, à faux, à les convertir à la Torah et au judaïsme. Tu es un grand communicant avant l’heure. Tu sais qu’il faut frapper fort et avec exagération pour convaincre

Il faut repenser l’idée de Dieu en suivant la démarche de Paul
Il faudra aussi repenser l’idée que nous nous faisions de Dieu, athées comme croyants. C’est ce que Paul avait fait. Avons-nous aujourd’hui d’autre choix que de reprendre sa tâche et de considérer Paul comme notre laboratoire si l’on veut parer au vacarme qui vient ?
Cela implique une transformation nécessaire du judaïsme, au moment où l’Église se transforme.

De la grandeur de Jésus et de l’Eglise
Tu voulais donner accès au Dieu d’Israël, Dieu de l’humanité tout entière, accès donné par l’intermédiaire de son Fils, Messie, Jésus-Christ ressuscité, qui, selon la volonté de son Père, s’est offert en sacrifice pour le pardon des péchés de la multitude, et constituer tous les hommes qui auront foi en lui en une seule famille, la famille de Dieu,

Tu admettais qu’il y avait un mystère d’Israël, que c’était une bonne nouvelle qu’Israël, que la quasi-totalité des Juifs de ce temps n’aient pas cru en Jésus-Messie, car cela donnait le temps aux nations d’être habitées par cette Bonne Nouvelle ; sinon elles n’auraient pas eu cette chance, cette grâce, elles n’auraient pas eu droit à la rédemption annoncée par le Messie, au pardon des péchés, au salut, dont Israël aurait conservé le monopole exclusif, il ne leur aurait pas été fait miséricorde, elles ne seraient pas entrées dans le plan de Dieu. Tu comprenais donc qu’il était nécessaire qu’Israël n’ait pas cru. Tout cela me paraissait d’une logique imparable : ta rupture avec ton milieu, le judaïsme, avait dû être lente et progressive, tu conservais donc au début de ton ministère un attachement au peuple dont tu étais issu.

Le judaïsme n’est pas, ne peut pas être, une prison, une monade sans porte ni fenêtre. Pour ne pas le quitter, il lui faut savoir s’adapter et être à la hauteur des aspirations de chaque génération. Il doit donc savoir se renouveler, tout en étant fidèle à son esprit.

Tu laissais alors décanter en toi le message d’amour de Jésus selon la grande tradition d’Israël, venu à la mort pour que soient pardonnés les péchés de la multitude. Et tu écrivais, haussé au-dessus de toi-même, porté par l’Esprit du Créateur, ces hymnes à l’amour, merveilles de la littérature universelle, monuments de gloire à l’humanité.

Tu annonces d’emblée que le Fils de Dieu, le Christ, va venir pour juger les hommes, que sa venue est proche et que ceux-ci verront cela de leur vivant. Oui, de leur vivant à eux, en chair et en os. Pas plus tard, pas dans un autre monde. Tu les rassures au sujet de ceux qui viennent de disparaître, et tu leur garantis que leurs parents morts seront les premiers appelés à la gloire, à siéger aux côtés du Fils quand il viendra. Ou plutôt, il n’y a pour toi qu’une seule révolution, et elle sera définitive, elle sera vécue dans un seul coup de tonnerre ; c’est la révolution du Fils du Dieu d’Israël venant juger les humains.

Aujourd’hui, nous avons appris que Jésus était incontestablement juif, un Juif génial, un prophète, un interprète surdoué de la Torah ; que, de son vivant, il n’avait eu de considération brûlante que pour son peuple, le peuple juif, qu’il voulait avertir, prévenir et admonester de l’imminence torrentielle du Royaume de Dieu prédit par les Écritures, Qu’il n’avait jamais voulu créer une nouvelle religion, ni se séparer de ses frères.

Jésus, fils d’Israël, voulait accomplir la Loi dans son intégralité et pousser au bout le respect et l’esprit de ses principes. Tout au long de son ministère, Jésus n’eut en tête que le salut de son peuple, le peuple d’Israël, lui promettant la paix définitive, convaincu du surgissement imminent du Royaume de Dieu, c’est-à-dire de la venue des temps messianiques. Fils d’Israël, il vivait de cette réalité, dans cette réalité messianique. C’est seulement, une fois mort, puis ressuscité, qu’il enjoint aux apôtres, lors de ses apparitions, de parcourir le monde, d’annoncer la bonne nouvelle aux nations, et de répandre la bonne nouvelle du pardon des fautes et de l’avènement du Royaume de Dieu.

Jésus fut un très grand Juif, un très grand Maître de l’exégèse,

Jésus la pratique pleinement, en revanche il vit et interprète la Torah suivant la conviction qu’il partage avec certains de ses contemporains de vivre un moment exceptionnel : le début des temps messianiques. L’établissement du Royaume de Dieu sur terre est tout proche, la présence divine va bientôt déborder du Temple et se répandre dans le cœur des hommes. Comme prédit par le prophète Joël.

Tu comprends – et tu as raison – que le Messie ne peut pas être le Messie que pour Israël, que le Sauveur d’Israël est aussi le Sauveur de l’humanité, puisqu’il inaugure un nouveau temps dans l’économie du monde, le temps de la paix définitive

C’était la leçon magnifique de Jésus. Vous êtes frères et n’avez qu’un seul Dieu, qu’un seul et même Père qui est dans le Ciel, leur disait-il.
Puisque, juges-tu, les temps messianiques ont débuté, que la présence de Dieu a débordé du Temple de Jérusalem, pour se répandre dans le cœur des hommes, pour être de partout accessible, tu sais, fidèle aux prophéties de la Bible, que chacun sera alors sauvé s’il invoque le nom de l’Éternel, et, puisque le Messie, que Jésus, que Christ est porteur du nom de Dieu, qu’il est l’instrument pour porter aux nations le nom de Dieu, qu’il faut donc l’invoquer, avoir foi en lui.

Tu vis dans l’urgence messianique, tu n’as pas un moment à perdre, tu sais la fin bouillante de l’histoire qui t’a été révélée. Christ va revenir sur terre établir le Royaume de Dieu, juger les hommes, établir le bien, vaincre le mal, et seuls les justes, ceux qui ont foi en lui, car c’est le Messie annoncé par les Écritures, seuls ceux-là seront sauvés et appelés à lui à cet instant. Tu veux sauver les païens, tu veux qu’ils aient droit au salut

L’Église sait comme personne, la communion nécessaire des hommes et des femmes, elle sait la rencontre du plus divers, du plus pauvre, du désespéré, du souffrant, du solitaire, de l’homme privé de tout lien, de celui qui est dans la rue.

Une morale sexuelle restrictive indument attribuée au judaïsme
Certaines de tes formulations choquent nos oreilles, à nous modernes, quand tu demandes par exemple la soumission totale aux pouvoirs en place, quand tu exiges des femmes la soumission totale à leurs maris, lorsque tu prêches l’abstinence et le célibat pour ceux qui sont encore dans cet état. Tout cela est secondaire. Il faut désormais se préparer à la rencontre avec le Seigneur, Jésus-Christ. Fidèle à la religion de tes pères, tu demandes à chacun d’avoir moralement une vie saine, moralement impeccable, et sexuellement ordonnée selon les règles du judaïsme biblique, car le Fils ne sauvera pas ceux qui n’auront pas abjuré, dénoncé et renoncé à leurs péchés.La relation de Paul avec IsraëlPeut-on objectivement accuser les enfants d’Israël de ne pas avoir cru dans la coulée des siècles que Jésus fût le sauveur, l’initiateur d’un monde sans violence, et sans hégémonie entre les Nations ? N’est-ce pas sagesse, de leur point de vue à eux, que ces enfants d’Israël soient restés fidèles à la vieille Tradition du Messie inconnu que l’on attend patiemment ?

Quand ta fin approche, avec la plus grande des solennités, tu écriras : « Je reste juif, je me reconnais, je m’accepte toujours enfant d’Israël, Israël toujours chéri de Dieu. »

Jean-François BEHSAHEL, Affronter le monde nouveau, Épître à Paul et nos contemporains, Paris, Éditions Odile Jacob, 2019, 240 pages.


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