Suite à un petit-déjeuner de presse organisé par l’AJP, le compte rendu de Michel Schulman
19/04/2018
La synagogue de la rue Copernic vit-elle ses derniers jours ? Le projet de démolition de la synagogue historique actuelle rencontre une opposition marquée de certains membres de la communauté juive qui se sont constitués en Association pour la protection du patrimoine de Copernic (APPC).
L’affaire est sensible et le dossier ne se limite pas à l’architecture du bâtiment. Elle est non seulement cultuelle mais aussi culturelle. L’Association des Journalistes du Patrimoine a organisé une rencontre avec l’APPC le 9 avril 2018.
La décision est prise en 2015. Le conseil d’administration de l’Union libérale israélite de France, gestionnaire de la synagogue, décide d’effectuer des « travaux de mise aux normes ». En d’autres termes, il s’agit de démolir la synagogue actuelle et de la remplacer par un bâtiment contemporain, un projet piloté par le cabinet Valode et Pistre estimé alors à 15 millions d’euros, réévalué aujourd’hui à 23 millions d’euros. Cité par le journal La Croix du 2 juillet 2017, Jean-François Benhasel, le président de la synagogue explique : « Nous avons profité de cette opportunité pour [nous] interroger sur ce que doit être une synagogue. Il s’agira d’un lieu où la vie juive peut s’exprimer sous toutes ses facettes. Lieu de culte, d’étude, de réunions, de vie partagée ». Ce que dénonce devant l’AJP Eva Hein-Kunze, secrétaire générale de l’Association de protection de Copernic en parlant de « projet de culte à l’américaine ».
De quoi s’agit-il ? En fait de démolir non seulement la façade mais surtout l’intérieur Art déco, un exemple de l’architecture d’une synagogue construite en 1923 (avec l’utilisation du béton) et de décors intérieurs (moulures, verrière, lanterne), tout ceci, en résumé, pour surélever l’édifice de deux étages et répondre aux normes actuelles de sécurité.
Face à cette situation, l’association de protection décide de recourir aux grands moyens et de faire une demande de classement. Après une rencontre avec la Direction de l’architecture et du patrimoine du ministère de la Culture, le dossier est finalement transmis à la DRAC Île-de-France qui fait officiellement une demande de visite des lieux. Visite refusée par le l’Union libérale. Dans une lettre du 20 décembre 2017, Nicole da Costa, la directrice régionale des Affaires culturelles souligne que la DRAC « n’a pas été autorisée à se rendre à l’intérieur de la synagogue. Or la visite est un préalable indispensable à la présentation de l’édifice devant la délégation permanente de la Commission régionale de l’architecture et du patrimoine ».
Face à cette situation, l’APPC va porter plainte ces prochains jours pour vice de formes de l’assemblée générale de la synagogue de mars 2018 (qui a voté les travaux) et vient de solliciter le Ministère de l’Intérieur et des cultes pour un soutien au classement de l’édifice. (Une demande de classement aurait déjà été faite en 1998 et 2011 et n’aurait pas abouti). Pour pouvoir agir, la DRAC Île-de-France dit maintenant attendre le permis de démolition de l’édifice actuel.
L’affaire est donc compliquée d’autant que le projet dépend aussi de la vente du bâtiment du 26 de la rue Copernic (la synagogue est au 24) qui appartient à la Ville de Paris qui permettrait l’agrandissement de la synagogue.
UN PEU D'HISTOIRE
L’histoire de la synagogue de la rue Copernic est liée à celle de l’Union libérale israélite de France donc au judaïsme libéral. Émanation de la synagogue de la rue de la Victoire à Paris, l’Union libérale est créée en 1907 et acquiert l’immeuble de la rue Copernic. Le 3 octobre 1941, la synagogue est en partie détruite par une bombe lancée par la Milice soutenue par les Allemands. Quarante ans plus tard, le 3 octobre 1980, un attentat fait 4 morts et 46 blessés. L’édifice actuel, même si sa façade discrète ne soulève pas l’admiration patrimoniale, est donc plus qu’un lieu de culte. Une pétition en faveur de la protection de la synagogue actuelle compte actuellement 4 500 signatures.
Association pour la protection du patrimoine de Copernic (APPC): www.sauvegardecopernic.org
Michel SCHULMAN, président d’honneur de l’AJP
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