Les architectes Denis Valode et Jean Pistre : “Notre-Dame doit être reconstruite exactement à l’identique !”
Observation APPC : Il est étonnant que les architectes Valode et Pistre soutiennent ici la restauration de Notre-Dame à l'identique, alors que leur projet pour la synagogue de Copernic est un bâtiment destiné à s'élever sur les décombres de l'édifice historique.
Denis Valode et Jean Pistre, qui dirigent la première agence d’architecture de France, s’insurgent contre les velléités de certains de leurs confrères à vouloir moderniser Notre-Dame de Paris à l’occasion de sa reconstruction. Moins médiatiques que certains “starchitectes” français, ils multiplient pourtant les projets aux quatre coins du monde, du parc des exposition géant de Shenzen aux abords du futur plus haut gratte-ciel du monde (1 km) à Jeddah, en Arabie saoudite. (lire ici) Ils ont conçu des tours en Russie, au Liban, au Maroc, en Chine, mais aussi à Lyon ou à la Défense. On leur doit la rénovation de la Grande Arche dans le quartier d’affaires francilien et la prochaine métamorphose de la gare du Nord à Paris. Ainsi que deux futures gares du Grand Paris Express. Ou encore le stade modulable Pierre-Mauroy à Lille, le nouveau Parc des expositions de la porte de Versailles, un projet d’extension de Monaco sur la mer… Ce qui ne les empêchent pas de s’ériger en défenseurs du patrimoine. Faut-il reconstruire Notre-Dame strictement à l’identique ou peut-on se permettre d’y intégrer une touche contemporaine ? Notre-Dame doit être reconstruite exactement à l’identique! Nous devons avoir le courage et l’humilité de la refaire comme elle était avant l’incendie. C’est avec effarement que nous voyons surgir cette polémique : il est absurde de vouloir recréer artificiellement la querelle des anciens et des modernes. On nous parle du Reichstag à Berlin, mais cela n’a rien à voir : ce bâtiment politique avait été brûlé par les nazis, il fallait écrire une nouvelle page d’histoire en le reconstruisant autrement. Au contraire, Notre-Dame est l’emblème de Paris, un symbole pour tous les Français. C’est une icône de neuf siècles que nous avons reçue en héritage et que nous devons réparer puisque nous n’avons pas été capables de la préserver. Il faut absolument éviter l’organisation d’un concours international, avec des architectes venus du monde entier, qui ne connaissent pas le sujet et voudront en profiter pour greffer sur le bâtiment une créativité architecturale malvenue. Le risque, c’est la posture. Est-il seulement possible de reproduire une cathédrale parfaitement semblable ? Bien sûr ! La magnifique flèche de Viollet-le-Duc, la toiture, la charpente peuvent très bien être reconstituées à l’identique, avec les mêmes matériaux. Saisissons-nous de cette occasion pour montrer que nous en sommes capables. Nous disposons en France de tous les savoir-faire, tous les artisans qualifiés, tous les moyens nécessaires. On nous dit qu’il est impossible de trouver autant de bois de qualité : c’est faux! Pour reconstruire la charpente, 1 500 m3 de chêne seront requis, soit 4 000 m3 en comptant les chutes. En France, nous produisons des quantités de chêne 200 fois plus importantes chaque année. La forêt de Tronçais, dans l’Allier, dispose de la plus belle futaie de chênes d’Europe, y compris des arbres plantés par Colbert il y a 350 ans. Mais peut-on reconstruire à l’identique… en cinq ans ? Ça, c’est une autre histoire. Mais il n’y a aucune raison pour qu’une charpente en chêne soit plus longue à bâtir qu’une charpente en métal ; en béton, c’est encore plus long. On nous dit qu’il faut faire sécher le bois 20 ans : là encore, c’est faux! Il existe aujourd’hui des techniques de séchage très rapides. Après, il est toujours possible de changer un ou deux détails, tel ou tel vitrail, par exemple. Il faudra aussi installer un super-système de détection incendie. Mais, nous n’avons pas besoin de “starchitectes” qui rêvent de profiter du naufrage de la cathédrale pour aller y implanter de la contemporanéité sous prétexte qu’il faudrait aller vite. En ce sens, nous sommes en complet désaccord avec nos confrères Jean-Michel Wilmotte ou Dominique Perrault, qui veulent utiliser des matériaux de construction modernes, du métal, du béton, du titane…. Le Journal du dimanche, 16h54 , le 21 avril 2019
Comments